À Noël, offrez un livre !
Un roman historique, inspiré de faits réels, qui suit P’tit Louis à travers un parcours ponctué de blessures visibles et invisibles de la retraite aux commémorations des années 20.
Un livre mémorial qui retrace le destin des 89 hommes de Quéménéven (29), morts pour la France pendant la Grande Guerre.
Un roman historique : « La Parenthèse, avoir 20 ans en 1914 »
dont voici quelques extraits :
Le début de l’histoire
À travers la manche humide de sa capote, P’tit Louis sentait irradier la chaleur du soldat qui marchait à ses côtés. Il leva les yeux. Les lourds nuages ne laissaient filtrer aucune lumière bienveillante. La masse sombre du lourd barda du gars qui le précédait l’enfermait dans la colonne et, à la fois, le rassurait. Il retrouverait certainement sa compagnie au prochain bivouac, qui, l’espérait-il ne se ferait pas trop attendre. Voilà déjà de longues heures qu’ils marchaient au rythme des brodequins cloutés qui résonnaient sur les cailloux. Minuit était passé depuis longtemps. Pas un arrêt, pas un ravitaillement. Un pied devant l’autre, mécaniquement.
— On dirait bien qu’on passe la frontière, marmonna le gars devant lui alors qu’ils franchissaient un poste vide de ses occupants.
— Retour au pays, dit une voix lasse.
P’tit Louis, incrédule, regarda le poste frontière. C’était donc vrai, ils reculaient ! Dire que neuf jours avant, ils en avaient passé un autre dans l’autre sens, sous les acclamations de la population belge qui accueillait ses libérateurs. Cette fois, personne.
Au front
Une nouvelle journée de terrassement était en cours quand la mine qu’ils craignaient secoua la tranchée, tout près d’eux sur la droite. L’ennemi les avait bel et bien devancés ! La terre trembla et se souleva. Sous l’effet du souffle venant des profondeurs, la paroi qu’ils consolidaient s’effondra.
— Monnier ! hurla P’tit Louis.
Seules ses jambes dépassaient de l’amoncellement de terre et de sacs de sable. Au même instant, l’alerte sonna. L’ennemi tentait une sortie.
— Baïonnette au canon, tenez-vous prêts ! cria le sergent Le Braz.
Mais on ne pouvait pas laisser Monnier là-dessous tout de même ! Galvanisés, P’tit Louis creusait avec frénésie pendant qu’Ollivier dégageait les sacs de sable qui étouffaient leur copain. Le jeune Millot qui les aidait ce jour-là avait le Lebel à l’épaule prêt à faire feu au cas où l’ennemi déboulerait sur eux. Des tirs et des cris retentissaient à droite. On se battait.
— Plus vite, plus vite, P’tit Louis ! Il est vivant, criait Ollivier tirant sur les jambes de Monnier.
Une pelletée. Une autre. Une autre encore. P’tit Louis transpirait à grosses gouttes. Pourvu que les Boches ne viennent pas par ici. Il fallait sauver Monnier. Encore une pelletée. Un sac de sable. Un autre.
— Il bouge, cria Ollivier.
Encore une pelletée, un sac de sable, une autre pelletée, et c’est un Monnier complètement sonné, couvert de terre et de poussière, qu’ils purent extirper des décombres. Il respirait difficilement mais il respirait. Ollivier attrapa sa flasque de gnole et pendant que P’tit Louis écartait doucement les lèvres de Monnier, il lui en fit couler quelques gouttes dans le gosier. À droite, les tirs s’étaient calmés.
Ces quelques gouttes de tord-boyaux suffirent à ranimer Monnier, qui appréciait cette boisson plus que de raison. Ollivier laissa éclater sa joie, exécutant une cabriole. Après avoir bu une lampée lui-même, il tendait sa flasque à P’tit Louis quand il aperçut le sergent Le Braz qui les regardait, les poings sur les hanches, l’air visiblement furieux.
— Que faisiez-vous par ici ? Vous ne teniez donc pas vos positions ?
— M’ont sauvé la vie, sergent, murmura Monnier.
— J’étais là, dit le jeune Millot. J’assurais le secteur.
— T’assurais le secteur ? Ah oui ? Et tu l’aurais tenu tout seul si les Boches étaient sortis en face de vous ?
— On n’allait quand même pas laisser Monnier là-dessous, tenta P’tit Louis.
— Et puis finalement, ils ne sont pas venus par ici, ajouta Ollivier.
— Ça vous ne pouviez pas le savoir. Abandon de poste caractérisé. Suivez-moi tous les deux. Je vous mets aux arrêts.
Totalement incrédule, P’tit Louis écarquillait les yeux. Il allait tenter une explication quand…
— Minen, cria le jeune Millot qui avait repéré le son caractéristique du percutant qui venait sur eux. Aux abris !
Bien plus tard
P’tit Louis s’allongea sur sa paillasse en souriant, scrutant avec attention le plafond de la creute que sa compagnie occupait depuis deux jours, une de ces multiples cavernes creusées pour extraire la roche calcaire. C’était bientôt l’heure. P’tit Louis ne quittait pas les chauves-souris des yeux. À côté, le Bleuet parlait d’un quelconque épisode glorieux qui avait failli mal tourner. Qui pouvait bien l’écouter ? Marzin, lui, râlait contre les puces et les totos qui ne leur laissaient aucun répit.
P’tit Louis se gratta machinalement les côtes et se mit à chantonner pour ne plus entendre les voix de ses camarades. Quel besoin de faire ainsi du bruit, tout le temps. Allongé sur sa paillasse, il gardait les yeux fixés sur le plafond de la caverne.
À la lueur des lampes à acétylène, il distinguait à peine la grappe des chauves-souris, une tâche légèrement plus sombre, immobile sur la roche plongée dans l’obscurité. Pour rien au monde, il ne raterait le décollage. Il guettait le premier frémissement qui indiquait qu’elles étiraient leurs ailes pour s’envoler vers la sortie de la creute. C’était une bénédiction pour elles toute cette vermine qui pullulait sur les champs de bataille et cette eau qui croupissait abritant les larves des insectes qui les nourrissaient.
P’tit Louis sourit à pleines dents et s’étira lui aussi dans l’obscurité. Il avala une autre gorgée de gnole. La douce chaleur se répandit dans ses boyaux. Il soupira d’aise.
Un froufroutement soudain et la grappe se dispersa provoquant force jurons sur son passage. P’tit Louis partit d’un bel éclat de rire. La liberté !
— Qu’est-ce que t’as à te marrer, le Taiseux ? Tu trouves ça drôle, toi, de vivre enterrés comme des rats ?
— Marzin, laisse-le, rétorqua le Bleuet qui, une fois de plus, venait à sa rescousse. Ici au moins, on est à l’abri de la pluie, des obus et du gaz.
Le Bleuet cherchait toujours à désamorcer les situations et évitait à P’tit Louis, dont le comportement était souvent chaotique, bien des bagarres qui auraient pu le conduire au trou.
Marzin éleva le ton.
— Je ne suis pas du génie, moi. Je ne suis pas venu à la guerre pour donner des coups de pic et des coups de pioche pour transformer ces creutes en palaces et faire des banquettes pour que messieurs les officiers puissent poser leur croupion au sec, pendant qu’ils discutent de la meilleure façon de nous refroidir.
P’tit Louis applaudit des deux mains du fond de sa paillasse.
— Baissez d’un ton tous les deux ou il va vous arriver des bricoles. Vous préfériez les Éparges, les tremblements de terre, le souffle des mines, les gaz ? Vous avez oublié la cote 344 ? Les attaques au milieu des trous d’obus écœurants, remplis d’eau putride ? L’odeur des cadavres, partout, et celle de l’ypérite ? Vous ne vous rappelez plus comment on vomissait toute la journée dès qu’on avalait le moindre morceau de pain ?
— Ora Pro Nobis ! répondit P’tit Louis, joignant ses deux mains en geste de prière.
Marzin se leva brusquement. Sa baïonnette siffla à quelques centimètres du visage du Bleuet qui resta interloqué. Elle arracha un cri aigu dans le dos de P’tit Louis. Personne n’eut le temps de réagir, Marzin brandissait déjà sa prise, un énorme rat, qu’il accrocha sur une pique où en pendaient quatre autres.
— Et vive les creutes !
Un livre mémorial
Découvrez la Grande Guerre à travers les témoignages de 89 soldats.
Véritable prolongement de l’exposition sur les Poilus de Quéménéven, organisée en novembre 2014, ce livre mémorial retrace le parcours des soldats de Quéménéven, morts pour la France.
Les parcours sont replacés dans le déroulé chronologique de la Grande Guerre, une manière de connaître différemment cette période dramatique de notre histoire, et de conserver la mémoire de ces soldats.
L’ouvrage de 187 pages est édité en nombre limité, et vendu au tarif préférentiel de 25 euros (plus frais de port).