Jean Le Menn (1897-1918) – avec le 366e RI
Jean Marie Le Menn naît le 30 octobre 1897 à Kerouredan en Quéménéven. Il est le fils aîné de Jean, cultivateur et de Marie Jeanne CROISSANT.
Lors du recensement de 1911, Jean a 14 ans et vit chez son père à Kerouredan.
Cheveux blonds, yeux bleus, il est de taille légèrement supérieure à la moyenne (1,69m) et a son certificat d’études primaires.
Ajourné aux conseils de révision de 1915 et 1916 pour faiblesse, il est finalement classé « Service armé » par la commission de réforme de Quimper du 28 mai 1917 (matricule 3374 au recrutement de Brest-Châteaulin), comme Jean Louis Marzin
Son parcours vu à travers les courriers qu’il adresse à ses parents
Jean Le Menn est incorporé le 3 septembre 1917 au 118 e RI de Quimper. Dès le 24 octobre et jusqu’au 23 novembre 1917, il peut revenir à Kerouredan pour aider aux travaux agricoles. Il réintègre le régiment à Ste-Anne d’Auray jusqu’au 20 mars 1918, où il bénéficie jusqu’au 27 d’une permission de détente.
Le 2 avril 1918, il quitte Ste Anne d’Auray pour Blain, au nord de Nantes. Il va y rester environ 1 mois pour s’entraîner, apprendre le maniement des armes, les assauts… bref le métier de soldat.
Le 4 mai, il est affecté à la 35ème compagnie du 116ème régiment d’infanterie, et quitte la Bretagne pour rejoindre la zone des combats. Il écrit à ses parents qu’il est « arrivé à destination ». Le 4 mai, le 116ème RI est dans les Vosges, au sud d’Épinal. « Le voyage a été assez fatiguant du moment qu’après avoir passé deux jours et deux nuits dans le train, il a fallu faire une quinzaine de kilomètres à pied pour rejoindre le cantonnement. On a vu bien du pays ainsi que la capitale avec sa tour Eiffel. A notre arrivée on a eu le plaisir de dormir encore dans d’assez bons lits, lesquels on ne pensait pas trouver ici. »
Le 12 juin 1918, sa compagnie a changé de secteur. Il se veut rassurant pour sa famille. « Il ne faut pas penser que je vais encore faire la guerre, puisque nous ne sommes pas mobilisables avant le mois d’août, et comme je suis, par rapport aux âges, de la deuxième partie de la compagnie, je dépasserai forcément cette date ».
Dans une lettre du 16 juillet, il décrit les travaux qui incombent à sa compagnie « les uns feront des tranchées pour l’instruction américaine, les autres seront employés dans le village pour certains installations. L’exercice est laissé de côté en attendant la semaine prochaine, où l’on va retourner à notre cantonnement habituel. (…) Moi je suis comme secrétaire dans un bureau durant cette semaine et je me plais très bien. Au commencement du mois, j’ai encore passé quelques jours comme charpentier pour l’installation des cantonnements destinés à la classe 19 ».
Le 28 juillet, il informe ses parents qu’il est parti « pour le renfort » affecté à la 18e compagnie du 366e régiment d’infanterie. » On a eu le bonheur d’être dirigé sur un régiment descendant au repos des lignes et comme cela on est bien tranquille encore ». Il se trouve séparé de ses camarades, parmi lesquels Jean-Louis Marzin, affecté à la 19e compagnie. Tous deux font néanmoins partie du même bataillon, le 5ème bataillon du 366e RI.
Avec le 366ème régiment d’infanterie
Depuis le 18 juillet, sur le front occidental, les alliés contre-attaquent (seconde bataille de la Marne) et obligent les Allemands à se replier au nord de la Marne et à renoncer à l’offensive prévue dans les Flandres.
Le 28 juillet 1918, Jean Le Menn rejoint donc le 366e régiment d’infanterie qui cantonne au sud de Châlons-en-Champagne. Le 5ème bataillon dans lequel se trouve Jean, est précisément à Omey. Le repos est ponctué de remise de décorations pour les faits ayant eu lieu autour du 15 juillet. Le 1er août est célébré un service religieux à la mémoire des Morts pour la France au Mont Sans Nom (au cours du mois de juillet, le 366e RI a compté 659 disparus, 28 tués, et 77 blessés). Jean Le Menn et Jean-Louis Marzin font partie des troupes envoyées en renfort des régiments décimés.
Le 2 août le régiment quitte la Champagne. Après une courte étape au sud de Compiègne (Oise), le régiment est au repos puis en instruction jusqu’au 10 août dans le secteur de Gaudelu, au nord-est de Meaux (Seine-et-Marne).
Le 11 août, Jean écrit à ses parents une lettre dans laquelle il n’est nullement question de la situation du régiment, mais de l’état du colis qu’il a reçu et du temps qui s’est remis au beau. « J’ai reçu dernièrement deux colis en deux jours, lesquels je n’attendais plus du tout; car je les croyais perdus par suite de tous mes déménagements. »
Dans la nuit du 11 au 12 août, le régiment remonte vers Compiègne dans la région de Crépy-en-Valois, en forêt de Compiègne jusqu’au 18 août, à proximité du front, en réserve.
Le 5ème bataillon, à l’assaut le 20 août 1918
Dans la nuit du 18 au 19 août, le régiment monte en secteur. Le 5ème bataillon bivouaque au nord du château d’Offémont, à 15 kilomètres à l’est de Compiègne.
Dans la soirée du 19 août, avec les autres bataillons du 366ème RI, le 5ème monte en 1ère ligne et occupe la tranchée Brunehilde (ancienne ligne allemande), en vue d’un assaut prévu le lendemain matin sur les tranchées occupées par l’ennemi. Objectif : Atteindre le village de Cuts à 12-13 km vers de nord-est, un verrou allemand qu’il faut absolument faire sauter.
Voici ce que l’on peut lire dans le Journal de Marche et des Opérations du 366e RI : « La mission est délicate, le front du Rgt au début est de 200m. environ, et doit atteindre à hauteur de CUTS une largeur de 1200m environ. Le parcours est à travers bois pendant plus de 2 km jusqu’à hauteur du plateau des Champs Hayes. Au delà de ce plateau et jusqu’à CUTS, nouvelle région très accidentée et boisée. Tout le terrain à parcourir, depuis la base de départ jusqu’à CUTS, sera trouvé couvert de nids de mitrailleuses. »
L’assaut est déclenché à 7h10, le 20 août 1918.
Le régiment avance de front, le 5ème bataillon dans lequel se trouvent Jean Le Menn et Jean-Louis Marzin occupant l’aile gauche.
« la plus grande partie des unités de ce bataillon seront en plaine. Elles organisent les différents trous d’obus pour passer la nuit et s’abriter le plus possible des éclatements de la C.P.O. exécutée par l’ennemi. Les masques sont mis, car les tirs comprennent de nombreux obus à gaz (…).
A 7h30, le bataillon débouchant des bois est violemment pris à partie par des nids de mitrailleuses ennemies. Malgré des pertes sérieuses, le bataillon progresse, fait beaucoup de prisonniers, se bat baïonnette au canon.
La progression dans les bois est particulièrement difficile. Néanmoins, une partie du bataillon arrive à 11h à 500m du village de Cuts, l’objectif qui leur avait été défini, mais est arrêtée par des tirs incessants.
En fin de journée, l’attaque reprend, impliquant plusieurs compagnies du 366e et du 166e RI et dure toute la nuit. A 5 heures du matin, le 5e bataillon occupe les lisières à 200m au nord de Cuts.
C’est au cours de ces assauts que Jean Louis Marzin est tué et que Jean Le Menn est grièvement blessé.
Jean est transporté le 22 août sur l’hôpital complémentaire des armées n°51 de Vineuil-Saint-Firmin, près de Champigny (Oise).
Le lendemain, il écrit à ses parents « Chers parents, J’ai été blessé le 20 août à l’épaule gauche et je pense être évacué bientôt. Bien le bonjour, votre fils Jean ». Ce sera sa dernière lettre. Il décède le 26 août.
Il est évacué sur l’hôpital complémentaire des Armées n°51 de Vineul Saint Firmin, près de Champigny (Oise). Cet hôpital créé, en janvier 1915, au château Bradley Lee pour accueillir 500 blessés, accueillera entre 1915 et 1918, plus de 5000 combattants, blessés et malades contagieux.
Jean y décède le 26 août, et est inhumé au cimetière militaire. Le 26 septembre, le médecin-chef du centre hospitalier écrit au Maire de Quéménéven « J’ai l’honneur en réponse à votre télégramme du 26 de vous informer que le soldat Le Menn Jean, 236e Infanterie, est décédé le 26 août. Il est inhumé au cimetière militaire de Vineuil Saint Firmin (OIse), tombe n°110 », faisant par là une erreur sur le numéro du régiment.
Le retour à Quéménéven
Ses parents vont chercher à savoir ce qui lui est arrivé. Voici ce que l’abbé Henri Cron, caporal infirmier 10e section, leur répond le 13 octobre 1918 : « … je suis heureux de pouvoir vous dire que votre fils a été blessé le 20 août, est entré à l’hôpital le 21 et a succombé glorieusement à la suite de la blessure qu’il avait reçu au cou par éclat d’obus. Sa tombe est toujours bien entretenue ».
Par la suite, ses parents qui se sont déplacés à Vineuil Saint Firmin feront ramener son corps au cimetière de Quéménéven. Le transport se fait en train, et le cercueil arrive en gare de Morlaix le 22 mars 1920.
Le numéro porté par le cercueil est différent de celui de la tombe. Sa mère s’en inquiète, et reçoit la réponse suivante « N’ayez aucune inquiétude du côté des numéros, voici en effet ce qui s’est passé. Tout d’abord, et à mesure des inhumations, on établissait un numéro sur la croix, numéro correspondant à celui du cercueil. Mais environ dix-huit mois plus tard, on jugeait à propos d’établir un numérotage spécial, par cimetière; tandis qu’auparavant on numérote indifféremment au fur et à mesure des décès, dans un cimetière ou dans l’autre. On changea donc tous les numéros des croix; naturellement on ne peut toucher à celui du cercueil. Mais on savait bien que tel numéro de la croix correspond à tel autre du cercueil. Vous voyez bien par là que vous pouvez être tranquilles, sûrs que ce sont bien les restes de votre fils qui sont près de vous. »
Le 20 avril 1921, la médaille militaire est attribuée à sa mémoire et complète sa croix de guerre avec étoile de bronze.
Sources
Registres d’état-civil de Quéménéven
Fiche matricule, AD du Finistère (1R-1587 – 1917)
Site Mémoire des Hommes : Base des Morts pour la France, JMO du 366e RI
Documents et courriers de Jean Le Menn à sa famille (coll. famille Le Menn de Kerouredan)