Louis Bernard (1892-1917), des documents inédits !
De nouveaux documents et photos concernant le soldat Louis Bernard nous ont été communiqués cet hiver, par sa petite-nièce, qui permettent de mettre un visage sur ce jeune homme disparu à 25 ans dans l’Aisne et d’avoir des précisions sur son parcours pendant la guerre.
Louis Bernard naît le 03 octobre 1892 au bourg de Quéménéven. Il est le sixième enfant de François, entrepreneur et de Anne Philippe.
Le 1er octobre 1908, il entre à l’Ecole normale de Quimper pour devenir instituteur. Le 20 juillet 1910 il obtient son brevet supérieur. Il termine l’école le 21 juillet 1911, et est nommé instituteur stagiaire à Châteaulin le 4 août 1911 pour une année au terme de laquelle il passe son certificat d’aptitude pédagogique.
En 1913, Louis Bernard obtient un sursis d’incorporation pour poursuivre ses études à l’école normale technique de Paris (matricule 1978 au recrutement de Brest-Châteaulin).
Blond aux yeux bleus, Louis est de grande taille (1,76m). Mobilisé le 11 août 1914 à la caserne du 62e régiment d’infanterie de Lorient, il est nommé caporal le 14 janvier 1915, il part aux armées le 1er mai 1915.
Arrivée au front
Louis se retrouve à 7 km du front, après un voyage en train qui s’est achevé non loin d’Albert, dans la Somme et une marche d’une dizaine de kilomètres.
« Nous entendions fort bien le canon, écrit-il. Jusqu’ici, cela ne me fait aucun effet, pas plus que les nombreux héros français et boches qui ont salué notre arrivée. Cela promet d’être assez intéressant d’autant que, paraît-il, notre secteur n’est pas dangereux.«
Louis Bernard est nommé sergent le 11 août 1915.
En Champagne
Le 25 septembre, le 62e R.I. prend part à l’offensive de Champagne. Il est encadré, à droite par le 118e R.I., à gauche par le 116e R.I. Avec grandiloquence le rédacteur de l’Historique du régiment raconte « Les vagues qui nous précèdent avancent à grands pas, bondissant par-dessus les tranchées boches et les trous d’obus. Partout dans la plaine on aperçoit les carrés de toile blanche qui recouvrent les sacs des hommes pour éviter les méprises de notre artillerie. La première tranchée est franchie assez rapidement. Mais, malgré sa violence, notre bombardement n’a détruit qu’incomplètement les organisations ennemies et de nombreux défenseurs restent encore debout et attendent le choc sur des positions à contre-pente. »
Malgré les assauts et le nombre considérable de victimes, le front ne bouge guère.
Dans la nuit du 8 au 9 octobre, le régiment est relevé et se rend au repos dans un bois aux environs de Somme-Bionne, puis au camp dit du « Veau crevé », à l’ouest de Saint-Jean-sur- Tourbe.
Le 16 octobre 1915, il écrit à sa mère depuis l’hôpital temporaire de Saint-Flour dans le Cantal, où il a été évacué pour « embarras gastrique simple » après avoir passé 8 jours à l’ambulance 4/22 pour lui annoncer sa venue pour une permission moins longue qu’escomptée.
Louis Bernard regagne le front dans le secteur de Tahure.
« Le secteur est très dur, il faut l’organiser défensivement sous des bombardements journaliers ; le manque de voies de communications, le mauvais état des pistes, où hommes de corvée et voitures s’enlisent constamment, ainsi que celui non moins défectueux des boyaux remplis d’eau et de boue, rendent les ravitaillements de toute nature très difficiles, souvent impossibles, » peut-on lire dans l’Historique du régiment.
Fin février le régiment quitte la Champagne pour un repos de courte durée au camp de Mailly.
Verdun, deux séjours difficiles
29 mars 1916, Louis Bernard écrit à sa mère juste avant de monter en 1ère ligne « Nous rentrons aux tranchées ce soir dans un secteur dont on parle beaucoup depuis un mois (…). Je suis … proposé pour sous-lieutenant mais je n’y tiens pas énormément. »
Le régiment est dans le secteur de la Louvement – Froideterre, sous le violent et incessant bombardement de l’artillerie ennemie.
Dans la nuit du 21 au 22 avril, le régiment est relevé. Pendant cette période, le 62e a occupé dans des conditions très difficiles un secteur où il n’y avait pas ou peu de tranchées, aux abris inexistants, au sol extrêmement dur à travailler, où les tirs de harcèlement rendaient souvent tout ravitaillement impossible. Sous des bombardements très violents et continus, il a subi, chaque jour, des pertes sévères. Malgré ces dures conditions, pendant 22 jours consécutifs, il s’est accroché au terrain, ne cédant que pas à pas, et après l’avoir fait payer chèrement à l’ennemi. (Historique du 62e RI)
Début novembre, le 62e est à nouveau dans le secteur de Verdun. Le 1er bataillon, auquel appartient Louis Bernard est en réserve dans le tristement célèbre tunnel de Tavannes, à 1km de la ligne de feu mais monte rapidement en 1ère ligne.
Le 62e participe, avec le 118e de Quimper à la prise du fort de Vaux. Le régiment reste dans le secteur de Vaux-Damloup jusqu’au 18 janvier 1917.
Pendant cette période, le 4 décembre, Louis rentre en permission chez sa mère à Plonévez-Porzay.
Après un mois d’instruction dans le secteur de Meaux en février 1917, le régiment est envoyé par étape dans la région de Fismes, à mi-chemin entre Reims et Soissons, où les unités sont employées à la construction d’un vaste hôpital à Saint-Gilles et à des travaux de terrassement jusqu’au 18 mars 1917.
L’Aisne
Le 28 mars 1917, le 62e RI relève le 355e dans le secteur de Bucy-le-Long, dans l’Aisne, à quelques kilomètres de Soissons. Les 2e et 3e bataillons sont en 1ère ligne, le 1er bataillon est en réserve à Bucy-le-Long.
Dans la nuit du 30 au 31 mars, le 1er bataillon est alerté et monte en 1ère ligne au nord de Vrégny.
Le sergent Louis Bernard est tué pendant l’assaut. Voici ce qu’on peut lire dans le JMO du régiment :
« à neuf heures du matin sous la protection d’un tir d’accompagnement peu violent, il sort des tranchées et se porte à l’attaque (…). Les mitrailleuses ont pris position pour appuyer le mouvement aux ailes, deux sections suivent prêtes à prendre position sur le terrain conquis. Les hommes partent avec un élan superbe et malgré des tirs violents de mitrailleuses, le 1e Btn parvient à s’emparer de la plus grande partie du plateau. Au cours de cette attaque le Sergent Bernard est tué sur son canon de 37 chargé de démolir les mitrailleuses adverses. Cette opération coûte au Btn 80 hommes tués ou blessés. »
Inhumation
Un compagnon d’armes de Louis écrit à ses parents, des connaissances de la famille de Louis Bernard, décrivant les conditions de son inhumation. Ce courrier a été remis plus tard à la soeur de Louis Bernard.
Louis Bernard est inhumé dans le cimetière de Bucy-le-Long.
Un service funèbre est organisé pour lui à l’église de Quéménéven le 31 mai 1917.
Sources
Courriers de Louis Bernard à sa mère et photographies. Coll. Anne-Marie Goales
Registres d’état-civil de Quéménéven
Fiche matricule, AD du Finistère (1R-1475 – 1912)
Site Mémoire des Hommes : Base des Morts pour la France, JMO et Historique du 62e RI